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Exposition online sur Visuelimage

 

 

 

Bogdan Korczowski
"EXPOLAROID - PHOTOTEQUES"


Galerie Selmersheim, Paris 2002
Visuelimage, Paris 2003
Galerie Christine Phal, Paris 2004
Galerie Nova, Cracovie 2005
Paris Photo 2006
Galerie Art 75, Paris 2006
Galerie Valeria Ruiz, Paris 2007
Galerie Yves Di Maria, Paris 2007
Galeria Zejscie, Cracovie 2008
Centre d'Animation St. Michel, Paris 2009
Mia Casa, "Rencontres "(OFF) Arles 2010
Palais de l'Archevêché (FEPN) Arles 2011
Galerie AREA, Paris 2014

Galerie Les Temps Donnés, Paris 2022


Bogdan Korczowski peintre et photographe , expose sa " Photothèque " : des Polaroids représentant des corps de femmes émaillent plusieurs dizaines petits tableaux qui, dans leur ensemble, dessinent une fresque murale. "Phototèque" est la prolongation d'une démarche à situer, entre autres, à mi-chemin entre symbolisme et abstraction, expressionnisme et introspection. Korczowski dans ces œuvres lie la peinture avec le graphisme, ce qui crée de nouvelles formes d'expression. Dans cette combinaison l'artiste arrive à travailler avec deux moyens d'expressions différents et deux mondes différents : la photographie entre dans le mariage avec la peinture. Le regard de l'artiste est attiré par la femme : sa nudité, ambiance, la pose qu'elle prend. En même temps il n'y a rien de statique. Ce qui est le plus difficile à saisir c'est ce qui habite le corps du modèle. Comment présenter ce point de vue? Dans les travaux de Korczowski nous pouvons regarder différentes parties du corps des modèles ou du modèle. Après avoir vu l'ensemble des œuvres nous regardons différemment un seul fragment de la série des photos. De quoi cultiver l'opposition entre abstraction et figuratif et alimenter une réflexion sur la subjectivité dans l'interprétation d'une œuvre.



La grande " kabbale " par Delphine Dewulf

Entre Paris et Cracovie, et à la frontière de plusieurs courants artistiques, le peintre Bogdan Korczowski brouille les pistes... Des arabesques de feu se détachant d'un fond sombre qui pourtant semble les happer, ou encore des formes géométriques s'opposant à l'effervescence d'un tracé tout en courbes : sa peinture semble habitée de plusieurs mondes. De la tension entre ces derniers, sans doute, naît l'intensité - à l'image des tableaux de Rothko qui, malgré leur simplicité apparente, mettent en scène la lutte toujours en suspens de plusieurs univers chromatiques. Et voilà que Korczowski se met à explorer la relation entre pluriel et singulier, construction et déconstruction. Tout d'abord avec la "Cartonthèque" qui rassemble en un mur d'images des huiles sur carton, une installation-hommage à grand artiste Tadeusz Kantor. Et maintenant aussi avec la "Phototèque" qu'il compose depuis 1995. Dans cette dernière œuvre, c'est l'opposition entre l'abstraction et le figuratif qu'il introduit : des polaroids représentant des corps de femmes dans des poses érotiques émaillent plusieurs petits tableaux qui, dans leur ensemble, dessinent une fresque murale. De telles associations libres, nu exquis de ces femmes sans visages, suggèrent une réflexion sur la subjectivité dans l'interprétation d'une œuvre.
Déjà consacrée en une cinquantaine d'expositions, l'œuvre du peintre Bogdan Korczowski cultive les contradictions. Sa "Phototèque", qu'il donne à voir successivement à Paris et à Cracovie, est la prolongation d'une démarche à situer, entre autres, à mi-chemin entre symbolisme et abstraction, expressionnisme et introspection. Entretien avec un jusqu'au-boutiste en quête de sens et d'émotions :

Pourquoi avoir introduit la photographie dans vos peintures ?

Attention, ce ne sont pas des photographies que j'insère dans mes tableaux, mais des polaroids. La différence, c'est qu'avec le polaroid on n'a pas la possibilité de démultiplier l'image. C'est donc une pièce unique, au même titre que le tableau. Ce qui ne veut pas dire que je défends cette technique. Je continue à me définir uniquement comme peintre. D'ailleurs, avec ces tirages, je ne cherche pas à faire de belles images. Ces polaroids montrent des choses simples et crues. Il n'y a pas de personnage direct ; mes corps de femme restent sans visage.

Ces polaroids donnent clairement à voir ce qu'ils représentent. Avec eux, on est dans le domaine du figuratif. Votre peinture, par contre, a toujours été abstraite…

Oui, et cela m'intéresse de travailler sur cette ambiguïté. En fait, depuis très longtemps, les gens me disaient qu'il y avait quelque chose de sensuel dans mes tableaux. Or ce n'était absolument pas ce que je cherchais à faire passer. Mais je me suis mis à étudier la question et j'ai décidé de leur renvoyer la balle, en mettant cette fois la sexualité en évidence. Au final, certains y voient uniquement des photos de nu, tandis que d'autres perçoivent l'œuvre dans son ensemble. Il y a toujours deux niveaux dans la perception d'une œuvre. De loin, la " Photothèque " ressemble à l'un de mes tableaux. De près, c'est tout autre chose. Ce qui me permet de mettre l'accent sur le caractère nécessairement subjectif de l'interprétation d'une œuvre. Et donc d'analyser la façon dont les autres regardent mes tableaux.

Vous avez passé les 26 premières années de votre vie à Cracovie mais vivez à Paris depuis le début des années 80… Pourquoi avez-vous choisi de vivre en France ?

J'avais épousé une parisienne à Cracovie. Je l'ai suivi à Paris lorsque le régime est devenu trop dur en Pologne. Si, par la suite, je ne suis pas revenu m'installer à Cracovie, c'est pour pouvoir mieux y revenir. Ici et là, je suis en voyage artistique. Je suis polonais en France et français en Pologne. C'est une chance énorme pour tout artiste de pouvoir confronter les cultures. La confrontation est absolument nécessaire à la création. Elle permets de ne pas se retrouver enfermé quelque part. De la même manière, mon œuvre échappe à toute classification. Certains ont pu parler de "symbolisme abstrait", ce qui en soi est une contradiction.

Vos tableaux sont effectivement parfois émaillés de symboles. Avez-vous un message particulier à faire passer ?


Vous savez, j'ai visité beaucoup de sites archéologiques en Méditerranée. Souvent, je me suis retrouvée en face de pierres portant une écriture non lisible. Et dans ce cas l'on peut éprouver des sensations très fortes, même si l'inscription peut en fait être rien d'autre qu'une déclaration d'impôts. Je pense que de toute façon, face à une œuvre il ne faut pas chercher à comprendre, mais plutôt à sentir. Une citation de Bruno Schulz ma beaucoup marquée :

"L'art n'est pas un rébus dont la clé serait cachée quelque part, et la philosophie n'est pas un moyen de résoudre ce rébus" (lettre de B.Schulz à S. I. Witkiewicz).

Propos recueillis par Delphine Dewulf

 

"PHOTOTHEQUES" de Bogdan Korczowski
installation-polaroid et technique mixte sur toile

" Le Nu mis en pièces" par Gaëla Le Grand

Les pièces vont s'agencer, pour reconstituer, peut-être, le corps unique, primordial, d'avant la décomposition, d'avant la dissection, d'avant la dissociation. Ou résister à l'agencement. Optons pour la première attitude. L'œuvre n'est possible, le sentiment esthétique perceptible (à moins qu'il y soit question de métaphysique...) que par et dans la série : série visuelle de morceaux de corps, pris dans la masse indistincte et informelle de la totalité des corps. Mais nulle question ici de " planches anatomiques ", le corps, en sa partie choisie, est apprêté, décoré, pour un rituel qui consacre le moment postorgasmique, d'après la consommation. Magie de l'œil, qui se plaît à réinventer ces corps faits-pour-plaire, à la lueur d'un désir brutal. Que se passe-t-il au terme de cette alchimie ? On chercherait en vain à cartographier la vie fantasmatique du peintre, car le foisonnement de son imaginaire déjà nous déroute. Le Nu est dépassé, subsumé ; il ne s'agit plus pour Bogdan Korczowski de dévoiler une ligne de fuite du regard qui s'exercerait à découvrir un corps, à dénuder, à faire apparaître, mais il est plutôt question d'une collision, de fragments de vie, de discours, de réels. Nous sommes dans l'anticatastrophe, ou la catastrophe à rebours, s'il est vrai que ce mouvement est celui qui consiste à donner à voir. Car ce qui doit être vu a déjà été vu : présence de figures connues, de personnages, d'héritages, de traces, d'inspirations, la peinture, la couche de peinture, que le peintre court-circuite pour lui adjoindre une autre forme, morceau de corps. Là où dans d'autres séries, l'érotisme, la chute sont de miroirs, clin d'œil au grand inspirateur, au mage décadent polonais, Witkiewicz. Erotisme, imaginaire, folie. Ou la monstration du désir dit autre chose que le désir, et nimbe d'un voile obscur le geste de l'artiste. Après avoir joui de l'objet, on le détruit : c'est l'équation de cette série de tableaux. Collage de formes également, entre peinture et photographie, pour créer un nouveau support, l'instantané du cliché photographique faisant irruption dans l'éternité de la peinture conçue comme peau de l'œuvre. Blasphème, provocation, ce qui est l'équivoque de l'art, son indétermination, son scandale, entre mémoire intime de l'artiste et mémoire universelle de la différenciation. Là où les corps sont mis en pièces, les regards le sont également : la série vue dans sa totalité (l'installation fonctionnant comme une somme de séries d'inspirations diverses, de corps divers), à partir d'une certaine distance, occulte la signification même de chaque pièce : la pièce de corps rapportée, corps étrange, corps en excès, de la réalité, corps en défaut, de la peinture. Le peintre crie alors : pas assez de corps. A celui qui s'approche de chaque tableau, laissant de côté l'univers sériel d'une peinture incarnée, la disposition murale, qui accommode son regard à l'unité de la pièce, c'est le morceau de nudité qui apparaît, envahissant tout l'espace pictural. Destruction du regard de spectateur. Distorsion du regard, écartelé lui aussi , comme le corps de la femme. N'est-ce pas pourtant la distance qui implique la subjectivité de l'être-vu ? On peut hésiter. De loin, je reconnais l'artiste comme sujet de son œuvre ; de près, j'ai du mal à reconnaître quoi que ce soit : les codes sont brouillés, les identités démultipliées, tronquées, usurpées : est-ce le corps morcelé de la femme qui se joue de notre furie-à-voir , de l'embrasement de notre œil, ou celui de l'orchestrateur de cette danse étrange ? Les pièces alors peuvent s'animer sous un regard scrutateur et inquisiteur, pour célébrer le chant du peintre, sur l'autel de la mémoire retrouvée à l'infini. C'est belle et bien une danse, un chant haut et lointain : la peau est lisse, le corps tendu à l'excès, pas de plis, pas de contours qui ne soient laissés au hasard du regard . Et pourtant, c'est toujours la même oscillation entre occultation et monstration, dissimulation et apparition. Dislocation du Nu : il n'est plus question du corps de la femme, support de la contemplation et du ravissement, il est question de la femme en tant qu'elle est mise en pièces, disséquée, dans la pluralité de ses apparaître successifs, de ses habits, de ses appâts, de ses moments, de ses humeurs même, de ses apprêts. Erotisme à rebours : la femme reconstituée, à la faveur de ces clichés de courbes dispersées, est le corps féminin tout entier, ou la vacuité de chaque corps, son absence, son manque-à-être. Percée dans l'existence du corps où le faire-corps se situe entre le rêve, la jouissance et la mort. Pas de visages, pas d'yeux, l'idôle se substitue à l'icône. Plasticité faite de peau tendue ; sans yeux, la peau est montrée comme métaphore du corps, la peau comme corps sans-les-yeux. Pas non plus de vis-à-vis, pas d'échange, ce qui est mis en pièces n'est plus dans le discours, la parolsous un regard scrutateur et inquisiteur, pour célébrer le chant du peintre, sur l'autel de la mémoire retrouvée à l'infini. C'est belle et bien une danse, un chant haut et lointain : la peau est lisse, le corps tendu à l'excès, pas de plis, pas de contours qui ne soient laissés au hasard du regard . Et pourtant, c'est toujours la même oscillation entre occultation et monstration, dissimulation et apparition. Dislocation du Nu : il n'est plus question du corps de la femme, support de la contemplation et du ravissement, il est question de la femme en tant qu'elle est mise en pièces, disséquée, dans la pluralité de ses apparaître successifs, de ses habits, de ses appâts, de ses moments, de ses humeurs même, de ses apprêts. Erotisme à rebours : la femme reconstituée, à la faveur de ces clichés de courbes dispersées, est le corps féminin tout entier, ou la vacuité de chaque corps, son absence, son manque-à-être. Percée dans l'existence du corps où le faire-corps se situe entre le rêve, la jouissance et la mort. Pas de visages, pas d'yeux, l'idôle se substitue à l'icône. Plasticité faite de peau tendue ; sans yeux, la peau est montrée comme métaphore du corps, la peau comme corps sans-les-yeux. Pas non plus de vis-à-vis, pas d'échange, ce qui est mis en pièces n'est plus dans le discours, la parole échangée, la promesse, mais dans la pure présence, sans distance. Destruction de la vision, carcan du regard, dans le tourbillon de la série, et la perte du point de vue. Subversion de la peinture ici pour un moment. Monstration désincarnée, car désubjectivée à l'extrême, sous le coup d'un sexe absent - ou le sexe conçu comme l'extrémité de la peau, la surpeau. Bogdan Korczowski dit le caractère irreprésentable de la distance, du regard et, dès lors, l'impossibilité de peindre un visage, d'accoucher d'un portrait. Ce qui se dérobe peut néanmoins être capté sous la forme du dessaisissement, du rapt, être investi d'un surplus de réalité, de nudité. Nous sommes dans l'épiphanie du corps, corps désiré, puis déconstruit, sous l'angle de l'esthète. Dérision provisoire, celle du fond, puis celle du modèle, et hommage en même temps. C'est une superposition de couches, mortelle / immortelle, qui inaugure une inversion des formes, ou plutôt une élévation - sacrilège - du corps impropre ( de l'idôle) au statut de l'icône : immortalité du Nu-mis-en pièces, éternité du corps mis-en-scènes. Nous sommes à la limite, dans l'informulable. Ce qui demeure, c'est le tiraillement de la forme, l'éblouissement : c'est l'image, sur la rétine, acerbe, de ce qui meurt-au-regard, ce qui dépasse l'être-là du corps, l'évidence du désir. Nouveau corps, devenu-peau. Nouvelle peinture, devenue-chair.

Gaëla Le Grand

 

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