Frédéric Elkaïm vous invit au vernissage:
KORCZOWSKI
"CARTONTEQUE-KARTONTEKA"
" Perdez-vous dans ce dédale et rassemblez vos fragments..."
Espace Caffarelli
Paris 2005
Une installation, un flux débordant d'images d'où jaillit la
pulsion artistique démultipliée à l'infini,
immense puzzle inédit composé " in situ ". Hommage
à Tadeusz Kantor
"Kartonteka/Cartonthèque
" de Bogdan KORCZOWSKI (Hommage
à Tadeusz Kantor)
Le carton succède à lespace de la théâtralité,
mais la finalité est la même : libérer la matière,
ou plutôt lélever au rang de vivant.
La peinture
vit alors par elle-même, elle se meut en ses propres formes, se nourrit
de sa polychromie de chair ; enfin elle possède sa propre carnation,
sa propre énergie ; enfin elle accède à la rupture dinfini
: loeuvre dart. Bogdan Korczowski
Korczowski
-KARTONTEKA-CARTONTHEQUE Hommage à Tadeusz Kantor ..Bogdan Korczowski ...vit avec l'effusion du spectacle, qu'il retranscrit en touches de feu, il vit avec le mouvement ininterrompu, qu'il emprisonne en des formes circulaires, le plus souvent fermées, il vit avec la violence contenue et matérialisée, qu'il traduit en traces d'éclatements, en signes défunts (l'Etoile/La Mort), il vit avec la réalité déchue, qu'il capte en supports quotidiens. Le carton succède à l'espace de la théâtralité, mais la finalité est la même : libérer la matière, ou plutôt l'élever au rang de vivant. La peinture vit alors par elle-même, elle se meut en ses propres formes, se nourrit de sa polychromie de chair ; enfin elle possède sa propre carnation, sa propre énergie ; enfin elle accède à la rupture d'infini : l'oeuvre d'art. Des couleurs, des traces, des creux, des bosses, des écoulements, des flamboiements, des embrasements, des signes graphiques enchevêtrés (mots, lettres) du feu des serpents, des ronds pleins, des lignes en zigzag, des fleurs en suspens, des anges, qui chutent, et deviennent cendre, des fantômes, des univers en mouvement, des éclipses, des planètes, des explosions, des écoulements. Une langue de feu, ou la lave de l'imaginaire en fusion, ou une éruption sensuelle, qui n'oublie rien, semble retracer les méandres brumeuses de notre passé ; le peintre se fait l'égal de l'évocation qu'il magnifie, le double d'une matière en mouvement qui fige la perte, exorcise le néant ; quelqu'un d'autre parle, une autre voix se fait entendre au creux même de l'oeuvre peinte (une chose qu'exprime un trait d'infortune, une déviance chromatique) - il y a trop de signes, trop de matière - dans ce rituel qui a quelque chose d'infernal, d'inextinguible ; un feu, un jeu, que la mort joue, à travers l'artiste, avec la matière : une peinture-dibbouk, comme le comédien dans le théâtre de la Mort de Tadeusz Kantor, qui, à travers l'expression corporelle, transmet la réalité de l'esprit d'un mort, se fait l'instrument d'une âme errante "comme si un fantôme s'était emparé de lui" : "Ici, il y a quelque chose du Dibbouk. Le personnage du Dibbouk m'a beaucoup intéressé. C'est une Juive, qui intrigue son entourage. Tout le monde la connaît, mais elle ne reconnaît personne parce qu'un mort est entré en elle. Un mort - c'est la foi juive", confiera Kantor à la fin de sa vie. Dans le dédale de la Cartonthèque, la mort rode, qui possède un visage bien connu…comme si la présence de Tadeusz Kantor était emprisonnée dans l'espace du tableau. Possession, exorcisme : territoire familier. Les oeuvres de Bogdan Korczowski présentées ici sont le signe d'une reconnaissance, avec, et par-delà la présence de Tadeusz Kantor, d'une certaine éternité : les pièces de la Cartonthèque sont offertes à l'oeil, avec vigilance et respect, elles sont une invite, sous la forme d'une provocation à l'éphémère de la matière et à l'éparpillement des corps que consacre notre siècle - car elles volent le feu sacré de l'histoire, du temps interrompu - sous la forme d'une hostilité à la fausseté, à porter un regard neuf sur notre réalité, comme si la matière mise en mouvement, libérée du poids de l'insolite, arrachée à l'absurde, possédait ce surplus de réalité qui, souvent mis en défaut, nous fait désespérer de notre condition et de notre finitude. Si le peintre s'éclipse devant la silhouette ombrageuse et outrageuse du maître, il sait, à l'instant du geste et de l'inscription, s'affranchir de la pesanteur de la Mémoire, la mettre en couleur pour mieux la conjurer, la mettre en pièces pour mieux la glorifier : des lambeaux de visions saturés d'objets qui se dérobent ou se délitent sous nos yeux consumés, de signes qui s'incarnent dans la chair du geste pictural, une chatoyance douloureuse, une extravagance graphique, c'est ce que nous propose l'espace mouvant et maléable de la Cartonthèque, pour nous ravir à notre propre corps et nous ramener à la conscience de notre propre dissolution dans un passé qui nous absorbe, nous trahit et nous obsède. Gaëla Le Grand Catalogue d'exposition "Tadeusz Kantor et aprés.." Orleans 2000
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Héloïse
Hautemanière - Histoire d'une initiale"K"
Korczowski,"Cartonthèque" la mémoire en fragments... Avant-Propos Il est effrayant
de constater que l'on est parfois plus attiré par l'ombre que
par la lumière. En découvrant les tableaux de Bogdan Korczowski,
j'ai d'abord voulu renoncer, pour éviter de me mettre en danger,
mais j'ai compris que l'ombre, le malaise et la migraine allaient libérer
les mots. J'ai choisi de lire la Cartonthèque avec mes mots, car c'est l'uvre de Korczowski qui m'a le plus interpellée. C'est une uvre infinie, évolutive, un immense puzzle qui ne cesse de me fasciner, tant par la démarche que par sa mise en forme. Perdez-vous dans ce dédale, et rassemblez vos fragments
Bogdan
Korczowski, un voyageur sans bagages
Histoire d'une rencontre... Quand je suis entrée dans l'atelier de Bogdan Korczowski pour la première fois, un étrange malaise m'a immédiatement envahie. Des images et des odeurs me donnaient mal à la tête. Plus tard, je comprendrai que l'oeuvre de Korczowski est une immense migraine. Les toiles elles aussi, m'agressaient, tant par leur nombre que par leurs tons. Le désordre des tableaux, des pinceaux et des chiffons m'oppressait. L'envie était grande de quitter cette pièce, de ne jamais revenir, d'échapper à cette violence Mais quelque chose de plus fort me fixait au sol de l'atelier, m'empêchant de bouger. Au mur, un tableau gigantesque semble m'observer, menaçant. Le cadre, récupéré d'une église. " S'asseoir,
respirer, digérer, ne pas chercher à comprendre, La peinture est
la plus forte, c'est elle qui gagne et qui s'impose à vous. Il
n'y a pas d'autres solutions sinon celle de se taire, L'artiste semble être dessiné à l'image de son atelier et de sa peinture. On m'avait prévenue, mais je voulais prendre le risque. Sa grande carrure, son crâne chauve et un fort accent slave alimentent mes craintes. L'homme m'intrigue, m'obsède, me fascine. Et puis la magie a opéré. Celle qui m'avait clouée au sol, celle qui me transportait de tableaux en tableaux et qui me permet aujourd'hui de mettre des mots sur ces sensations trop fortes. J'étais angoissée, mais au-delà de ce malaise, quelque chose me subjuguait. Je ne pouvais rester insensible à un tel déploiement de couleurs, d'énergie et de mots. Les toiles semblaient vouloir me dire quelque chose. Un langage inconnu, insaisissable, complexe. Je ne comprenais pas ces mots, mais je ressentais leur pouvoir. L'artiste chamane avait réussi sa formule, un violent mélange d'angoisse et de rêve parcourait et parcourt encore mes veines. Il est temps que je sache ce que qui me retient ici. Je veux tenter de comprendre l'homme et son art, non pour une critique, mais simplement pour m'apaiser. J'ai longtemps cherché le dictionnaire qui m'aurait permis de traduire la Cartonthèque, mais j'ai vite renoncé. Comme les vers de Mallarmé qui demeurent obscurs au fil des lectures, l'oeuvre de Korczowski me laisse dans le doute, l'incompréhension et le danger, mais c'est ce qui m'attire et me fascine le plus chez elle.
Avant la main qui
tient le pinceau, l'il est le principal outil de l'artiste, le
regard, sa première arme. Dans les livres de son père,
sur les murs de Cracovie, de Paris et de New York, dans les expositions
ou dans les déserts, les yeux de l'artiste se remplissent constamment,
de cette nourriture nécessaire à la création. Ses
multiples voyages ont fait de Bogdan Korczowski un collectionneur et
un dévoreur d'images, qu'il nous offre sur ses tableaux. Ainsi
nourris, les yeux guident la main dans la traduction picturale. Un incendie de couleurs et de formes. Dans les tableaux
de Korczowski, la mémoire s'incarne toute entière et prend
du relief. Les lieux, les souvenirs, les images prennent vie et semblent
vouloir nous dire quelque chose. Comme autant de langues tentant d'échapper
au tableau, les gouttes de peinture nous parlent dans des langages étrangers,
s'inventent quelques formules magiques et nous envoûtent. Héloïse Hautemanière |